Dame Planète n’a pas de voix mais elle s’exprime,
d’une façon ou d’une autre,
faisant sauter mollement les verrous de quelques volcans lointains,
mettant légèrement en branle une ou deux plaques tectoniques.
Mais aujourd’hui, elle fait une pause.
Elle est calme, sage même.
Le vieux bonhomme plongé dans un marais barométrique
Dame Planète n’a pas de voix mais elle s’exprime,
d’une façon ou d’une autre,
faisant sauter mollement les verrous de quelques volcans lointains,
mettant légèrement en branle une ou deux plaques tectoniques.
Mais aujourd’hui, elle fait une pause.
Elle est calme, sage même.
De son côté, tout en jouissant de la beauté du ciel
et, cette nuit, du disque d’or blanc de la lune,
le vieux bonhomme est triste, un peu triste,
mélancolique même dans son isolement.
Et ce n’est pas encore l’heure de son pastis bienfaisant.
Il sent que l’air est paisible.
La ville dort on dirait.
Pas de voitures, de gens qui s’interpellent, d’enfants qui crient,
pas de pétrolettes qui pétaradent,
les rues silencieuses sont vides.
Tout à coup il se souvient du terrible récit d’Onysos le furieux :
« Il m’est difficile de me souvenir de ma terre natale
Parce que nous sommes ici dans une ville de lumière
où les trottoirs bitumés sont jonchés d’ordures, de canettes de bière et de papiers sales,
Où les hommes se pressent par milliers,
où les voitures du matin au soir rugissent pare-choc contre pare-choc
dans des crissements de pneus impuissants,
Alors que là-bas, il n’y avait qu’une poignée d’hommes et de femmes. »
Il se raconte aussi des histoires d’oiseaux et de poissons signes d’un retour de la vitalité de la nature.
Sur la terrasse du septième d’en face,
inoccupé depuis longtemps,
de nouvelles voisines sont apparues,
des corneilles noires en visites fréquentes à l’abri des regards.
Peut-être une nichée.
Quel oiseau admirable !
II se réjouit de ce nouveau voisinage,
préférable aux horreurs des pigeons de ville.
Le vieux bonhomme ne les aime pas ceux-là.
Au cours de sa promenade quotidienne,
au cœur de la grande ville,
dans le bassin d’un jardin public,
il regarde les canards
et même une mère canne et ses cinq canetons, flottant au dessus des nages molles des carpes.
Somnolent, le vieux bonhomme laisse aller sa pensée.
Des images mentales lui viennent doucement derrière ses paupières,
certaines belles, d’autres un peu tristes. Et il chante.
« Dans vos viviers dans vos étangs Carpes que vous vivez longtemps, est-ce que la mort vous oublie poissons de la mélancolie… »
Comme disent les météorologistes,
il se sent imprégné d’une sorte de marais barométrique
où la pression varie peu mais est légèrement dépressionnaire.
Aussi, pour se changer les idées,
penser à autre chose,
il retourne vers le vieux grimoire chercher quelque pépite oubliée.
Il y trouve une petite histoire heureuse :
« Le soleil bas de novembre est à la peine pour dissiper les brumes basses de la toundra. La tempête récente a nappé le sol de sa couverture blanche d’hiver. La queue basse, épuisé par la longue course pour rejoindre la meute, les proies devenues rares, couché dans la neige, blessé par un chasseur, le loup va se laisser mourir. Soudain, une douce voix enfantine caresse ses oreilles et le force à se relever sur ses pattes de devant. Mais cette voix est aussi le signe d’une présence humaine proche et redoutable. Affaibli, une patte arrière atteinte par une balle coupable, tous ses sens aux aguets, tremblant de fièvre il s’attend à être achevé sauvagement. » Papa, papa il y a un loup. Il as l’air très malade. – Ne t’approche pas de lui, petite. – Il a faim. Je vais lui apporter un morceau de pain. Si, si je veux le soigner. – Attend, j’arrive, dit le père. » Et le petit Chaperon rouge dépose délicatement devant la gueule du loup la galette et le pot de miel destinés à Mère-grand que le loup n’a pas mangée. Et la petite le caresse. »
Nonchalant, observant les corneilles,
le vieux bonhomme s’assoit dans un fauteuil sur sa terrasse
et se met à la dégustation de son pastis.
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A écouter aussi : Patrick Sibille 13 avril 2020